Le peuple des chapiteaux
Avec mes deux petits pieds posés sur mon perchoir et mes ailes repliées, je veille depuis des siècles sous l'église prieurale de Saint Patrize.
Ma vie d'avant a été bien remplie avec une belle famille. Aussi ma descendance assurée, ai-je accepté de bonne grâce de prêter mes formes au sculpteur chargé de faire de la crypte un lieu où se côtoient le beau, le mal, la peur, la délivrance et tous ces émotions qu'éprouvent les âmes qui s'y recueillent.
A mes côtés le contorsionniste et le sciapode prennent leur pied chacun à sa façon. L'un le contemple, l'autre s'abrite dessous, tous deux offrant leur chair souple aux yeux ébahis.
Mais ils sont nombreux à vivre ici à hauteur de coeur des gens que nous instruisons. Le centaure a fini par atteindre le cerf de sa flèche meurtrière, l'avare se protège de l'haleine fétide du diable qui lui suggère à l'oreille des vilaines choses, la sirène tient ses deux queues dans une pose suggestive, tandis que le singe fait sonner sa vielle et le cochon pince sa harpe.
Mais puisque j'ai la parole, je tiens à dire au nom de tout le peuple qui vit accroché parfois très haut aux chapiteaux des églises, que nous avons pour vous, les vivants, grande estime et empathie, vous qui vous débattez avec vos peurs et vos tentations, avec vos doutes et votre foi, avec vos aspirations et votre richesse, toutes choses dont nous ne sommes que le reflet.
Soyez heureux et prenez soin de vous.
Signé la chouette de Saint Patrize
Saint Pierre le Moutier, le 20 avril 2016
Ma profonde gratitude à Marie France qui m'a accueilli dans l'annexe de sa maison construite tout exprès pour accueillir les pèlerins, suite à son expérience du chemin en 2004, 2005.