Via Tolosana du 4 au 6 mai 2022
Le 4 mai
Les heurtoirs
Frappez et l'on vous ouvrira !
Oui, mais qui est derrière la porte ?
Le 5 mai
Les platanes
La première, elle avait pressenti que le courant pouvait passer entre eux, qu'un rapprochement était possible. Il lui plaisait bien avec son tronc noueux et ses bras puissants taillés pour porter de lourdes branches.
Lui l'avait découverte sur le tard, trop occupé à enfouir profondément ses racines afin de résister aux rafales qui n'épargnaient pas les hauteurs où ils s' étaient installés. Elle avait une grâce naturelle et de jolies rondeurs peu communes chez une platane.
Quand elle avait esquissé le premier geste, il s'était d'abord rétracté, prenant cette audace pour une familiarité incompatible avec sa nature d'arbre lui garantissant l'inviolabilité de son espace. Et puis le souvenir de cette caresse avait diffusé dans sa sève et l'avait travaillé tout un hiver, si bien qu'au printemps, c'est lui qui osa un geste. Il glissa une ramille tout contre la sienne et attendit. Le vent qui ne perdait pas une miette de leur petit jeu se mit de la partie. Il fit naître une brise légère qui durant des semaines les fit se frotter l'un à l'autre, provoquant çà et là quelques blessures sur leurs fines écorces. Il n'en fallait pas plus pour que leurs sèves ne se mélangent. Ayant ainsi goûté l'un à l'autre, ils s'apprécièrent tant que l'idée de s'unir les traversa. Bravant les lois naturelles, ils n'hésitèrent pas à s'enrouler mutuellement, se serrant l'un contre l'autre tout l'été et une bonne partie de l'automne. Quand la Saint Martin arriva, l'énergie des deux arbres reflua vers les racines comme celle de tous les végétaux de l'hémisphère nord. Mais elle en laissa assez aux deux petites branches désormais soudées pour affronter l'hiver et préserver leur fragile acquis.
Le printemps suivant fut clément et renforça encore leur union si bien qu'il n'est plus possible aujourd'hui de les séparer, même si les deux arbres restent distincts, affichant fièrement leur altérité.
"Deux solitudes se penchant l'une vers l'autre", c'est à coup sûr en voyant ces deux-là, ce qu'aurait pensé R. M. Rilke, qui dans une lettre expliquait à un jeune poète M. Kappus, comment il concevait l'union amoureuse de deux êtres.
Le 6 mai
L'art roman nous apprend une chose essentielle sur l'art de recueillir la lumière. Plus la source est mince, plus doit s'élargir la paroi intérieure afin de diffuser le plus largement possible la lumière.
Si en ces temps obscurs les sources de lumière sont étroites, nous pouvons nous ouvrir intérieurement pour la laisser se propager en nous.
Fin provisoire de cette via Tolosana à Notre Dame de Sarrance, en vallée d'Asp.