Via Tolosana du 21 au 28 avril 2022
Sur ma tête se sont posées les mains des plus grands dignitaires religieux, en ces stalles de la cathédrale d'Auch. Ils savaient pourtant le vice et l'acrimonie qui se cachent sous mon crâne dégarni, eux qui cherchaient la vertu en chantant et priant des psaumes. C'est que, me tenant ainsi sous leur main ferme dans ces bas fonds où je me repais de la faiblesse de la chair, leur âme pouvait tutoyer les cimes du vaisseau de pierre et parfois même s'en échapper certains jours d'exaltation.
Aujourd'hui, seuls les enfants, en visite avec leurs parents osent encore caresser la surface lisse de mon front. A ceux qui s'arrêtent et me regardent profondément, je leur transmets parfois mon pouvoir sanctificateur.
Le 22 avril
Tant que me nourrira la terre, tant que me porterons le cep et le sarment, chaque printemps, je renaîtrai. Chaque été je donnerai mon fruit qui sera cueilli puis foulé. Et chaque automne, le vin sera tiré pour réjouir le cœur des hommes.
C'est ainsi depuis que le monde est monde. Le sera-ce encore dans les temps à venir ? Préservez-moi, je vous prie et tout ce qui m'environne et me fait exister. Sans bourgeons, vous ne pouvez vous tenir debout sur la terre.
Le 24 avril
Le lac collinaire
Mes eaux sont arrivées là, apportées par les multiples rivières qui joyeusement descendent des Pyrénées. Une digue les a empêchées de courir plus loin, vers le fleuve et plus tard vers la mer. Ainsi contenues, elles n'ont d'autres loisirs que de refléter le ciel, les nuages et les arbres, en attendant l'été qui les dispersera au pied des plantes courbées sous le soleil.
Leur sort est il plus heureux que les eaux des grands fleuves, elles qui ne connaîtront pas la houle de l'océan, ni les tempêtes, ni les grands cétacés ? Plus humblement peut-être, elle se savent participer du grand cycle de l'eau, donc de la vie. Mises à part, elles n'en ont pas moins l'assurance des justes et la tendresse des nourrices.
Le 28 avril
A quoi rêvent les jeunes fougères?