Ermitage
Dans le silence du jour et la lente suite des heures s'opère en ma présence la rencontre entre l’homme et lui-même. Qu'aux confins de lui-même, il y ait Dieu, le Tao ou le Nirvana, j'assiste de la même manière ce chercheur infatigable qui un jour m'a élu.
L'essentiel du travail c'est lui qui le fait mais par ma façon de me tenir à l'écart, je lui permets d'être loin du bruit du monde, qui est l'écume de la vague. Lui a besoin des profondeurs. Autant celles du ciel que celles des montagnes lui sont nécessaires pour éprouver celles de son âme.
Le rocher, l'arbre et la source qui me peuplent sont des amis en qui il voit tout l'univers, en qui il vit tout l'univers.
Je lui offre pour ce travail de titan des lieux précis où il se tient silencieux, au bord du monde. C'est là que parfois le saisissent les doigts du ciel et le ravissent et le tiennent en dehors des contingences humaines, le temps de goûter à la divine ambroisie qui lui donne la force d'être là, pleinement présent au milieu des siens et déjà un peu au-delà.
Comme la navette du métier, il va tissant des fils d'espérance parmi la trame du monde. Plus élevé est le lieu d'où elle part, plus serrée est la trame. C'est pourquoi je me tiens en hauteur.
Ne croyez pas que je sois un lieu de solitude. Je suis peut-être le lieu le plus peuplé de la terre car je convoque qui il lui est nécessaire de relier. Et parfois c’est un peuple entier qu'il veut embrasser, le peuple de ses semblables.
Au confins des montagnes d'Asie, sur les monts sacrés de l'Inde ou dans les grottes millénaires d'Europe, j'accueille ces hommes et ces femmes brûlants d’un bois précieux qui éclaire toute une vallée ou un pan de montagne ou un désert.
Chaque fois que s'éteint un de ces brasiers, j'en suscite un autre afin que veille constamment sur le monde la douceur, l'espérance et la compassion, signature que j'appose à ces lieux.