Le banc, le pot et la laitue
Un pot de terre brisé atterrit un jour sur un banc qui l’accueillit de fort bonnes grâce car il se trouvait bien seul, les séants l'ayant déserté depuis longtemps.
De l'inutile ; tel est le sujet sur lequel ils devisent le plus couramment. Le pot ébréché se sait ne plus être bon à rien et le banc, dont les pieds sont colonisés par des plantes indigènes, se sent abandonné.
Ne plus servir semble être ce qui les rassemble et les peine le plus, quand la laitue sauvage voisine les interpelle.
Sa graine a germé sur une des lattes du banc, apportée là par un coup de vent qui en était confus. Les pluies du printemps lui ont permis de développer quelques racines et quelques feuilles, mais elle sait que l'été va lui être fatal.
“- Messieurs, ne vous suffit-il pas de savoir que je vais mourir pour cesser là vos jérémiades.”
À l'instant, la conscience de sa fragilité les pénétre et durant les semaines qui suivent ils n’ont de cesse de lui faciliter la vie, retenant toute l'eau qu'ils peuvent.
La salade a pu monter en graine mais dut laisser à l'été toutes ses feuilles et même son cœur.
L'automne les retrouve donc seuls à nouveau, devisant non plus sur l'inutilité, mais sur l'espoir qu'une graine à nouveau au printemps leur fasse voir la couleur de l'espérance et leur donne la possibilité de la servir, tant cela leur avait procuré de douces joies.