Le moine de l'étang
Ce nom de moine, le dois-je à mon immobilité, comme enchâssé dans la digue ou à la façon solitaire dont je me tiens et régule la hauteur des eaux de l'étang ?
Plus sûrement m'a-t-il été attribué parce que ce sont les moines qui m'ont, les premiers, placé face à cette étendue tranquille où baignent ajoncs et roseaux.
Mais c'est peut-être notre fonction qui nous rapproche le plus ; celle de contenir, moi les eaux, lui les passions. Ces eaux tumultueuses et chargées de boue qui nous parviennent en amont, nous les invitons à s'assagir et à déposer leurs inutiles éléments grossiers. Cette vase devient alors l'élément nourricier des roselières où se reproduisent poissons et batraciens.
Par notre manière de nous tenir, par le silence et la stabilité, en faisant peu, nous permettons beaucoup.
Ce ne sont pas les tanches ou les carpes, les araignées d'eau, les grenouilles et les sarcelles qui me contrediront. Ni même les rayons du soleil qui viennent à heure fixe boire à la surface comme le cerf et les marcassins.
Je sais qu'un jour la bonde à mes pieds sera retirée et que les eaux s'en iront avec la vie qui s'y est multipliée. Les poissons iront nourrir les hommes et les bêtes finiront les restes.
Mais une fois le petit cylindre conique replacé, recommencera alors un cycle aussi sûrement que celui du jour et de la nuit qui voient le moine également se tenir et veiller.