Le trou
C'est fou comme on s'amuse sous terre, dans les galeries.
On y vit notre vie de bactéries, de vers, d'insectes, ou de mammifères fouisseurs.
On y a notre garde-manger, nos salles de repos, de travail, de jeu et on s'y multiplie.
Au dessus, vous parlez de la terre comme de votre mère, mais elle l'est d'abord pour nous, elle qui nous offre chaleur, gîte et couvert sans discontinuer.
Vous parlez de la terre comme de votre mère, et vous lui prenez des tonnes de matériaux pour assurer votre existence, alors que nous n'avons besoin que d’un trou pour vivre et être heureux.
Vous parlez de la terre comme de votre mère, mais vous tirez plus de lait de son sein qu'elle ne peut en offrir. Vous ne nous laissez pas le temps de la régénérer de l'intérieur.
Et puis, arrêtez de déverser sur elle ces substances que nous traînons chez nous et qui nous rendent malades.
Nous le peuple de sous la terre, nous vous demandons de nous respecter et de respecter notre travail car sans nous vous ne pouvez pas vivre. Jamais vous ne saurez perforer, aérer, transformer, renouveler la terre comme nous le faisons.
Et comme nous sommes bons princes, le jour où vous creuserez votre propre trou pour vous y allonger définitivement, nous serons là pour aider votre corps à se décomposer. Car figurez-vous, nous sommes là aussi pour qu'il n'y ait pas de restes, rien qui encombre les vies futures.