L'arbre, la croix et le banc
Un arbre, une croix et un banc se disputait la place de meilleur ami et soutien de l'homme.
L'arbre avait tant d'arguments à faire valoir qu'il se contentait d'en avancer quelques-uns sans en mettre aucun en relief. Que ferait l'homme sans arbres, existerait-il seulement, laissait-il entendre dans un énoncé qu'il voulait succinct de ses qualités.
La croix semblait bien nue face à son adversaire à qui elle était redevable de sa substance. Elle avait en effet été érigée dans un bois massif sans ornement ni Christ à soutenir. Elle défia cependant courageusement l'arbre en avançant qu'elle était symbole avant tout. Il suffisait à l'homme de lever la tête sur la croisée de ses lignes pour se sentir soutenu par son horizontalité et élevé par sa verticalité.
Que dire du pauvre banc qui paraissait si misérable à côté de ses deux rivaux. Ses quelques planches de bois n'inspiraient ni le faste ni l'élévation. Mais il défendit crânement ses chances en s'affichant comme un recours précieux pour l'homme dans son âge avancé, et assura être le soutien plus que loyal de son fondement à défaut de son esprit.
Alors qu'en cet été de braise la dispute était à son pic, une langue de feu venue d'une forêt alentour lécha tout d'abord l'arbre puis la croix et enfin le banc, les laissant exsangues et sans voix pour de nombreuses années.
Le rejet qui poussa sur la souche se garda bien de chercher querelle au lierre qui prenait ses aises sur le socle de la croix et aux lichens qui s'étaient installés sur les pieds rouillés du banc.
On dit même que la vie ayant repris ses droits, ils étaient tous bien établis dans la volonté de garder avec l'homme la bonne distance, celle qui fait d'eux ni des êtres serviles ni des détracteurs.