PISSENLIT
PISSENLIT
Vous m’appelez aussi dent-de-lion à cause de mes feuilles crénelées, mais c’est le soleil seul qui nous lie ; le lion parce qu’il a, avec l’astre éclatant, la fascination qu'entretiennent tous les rois et moi, parce que le soleil m’a prise en affection. Je tiens de lui cette robe resplendissante qu’il m’a laissée lors d’une de ses visites. Je me souviens, il m’a dit : profite de chaque instant où tu pourras briller dans les regards qui se porteront sur toi. Car, comme toutes les fleurs, il te faudra témoigner de l’impermanence en acceptant de laisser place à la graine, quand le temps sera venu.
Quelques semaines plus tard, alors qu’il était de plus en plus haut dans le ciel, j’ai senti mes couleurs pâlir et mon corps se transformer. Une vie m’habitait que je ne connaissais pas, m’invitant à lâcher prise.
Le soleil, confiant dans mon abandon, m’a alors présentée au vent. Il lui a intimé le devoir de diffuser chacune de mes graines que j’ai pris soin, dès lors, de doter d’une aigrette afin d’être portée par la brise. C’est ainsi que je me suis offerte, de toute la beauté dont j’étais capable, au moindre souffle qui me caresserait.
Dois-je l’avouer, le souffle auquel je suis le plus sensible est celui provenant de la bouche des enfants, avec leurs yeux ronds, émerveillés voyant s’échapper le petit troupeau de mes graines, portées par le vent là où elles ont choisi de me multiplier.