Automne

Publié le par Denis

Automne

On dit qu’il faut, pour son bien être, épouser les saisons. 
Certaines sont cependant plus faciles à épouser que d’autres, 
Ce qui suit devrait vous en avertir. Jugez par vous-même!  

Lorsque l’automne s’était présenté avec sa tête échevelée
couverte d’une frondaison jaune, brune, rouge, toute en feu,
j’ai été séduit de suite par le personnage haut en couleur. 

Avec ses pieds de brumes, vêtu d’un costume vert sapin
il avançait vers moi comme une promesse de repos assuré,
tenant dans ses mains un bouquet de houx et de genévriers.

Il me fit une cour à hauteur de sa réputation de séducteur
dévoilant des brouillards déchirés sur les étangs tranquilles
Que survolent des grues bavardes, sagement alignées.  

Il me fit observer les jeunes semis de blé pointant sur la terre
et le gîte encore chaud d’un lièvre et l’empreinte d’une biche   
et puis la vaillance des truites de l’année apprivoisant le courant.  

Il me fit jouer sa sonate d'automne par quelques branches mélomanes
qui s’offraient au vent comme les tuyaux d’un orgue sylvestre
tandis qu’au clavier s’agitaient les doigts agiles de racines nues.

Rien ne me fut épargné de la splendeur affichée de l’automne,
ni la douce flamme dans la cheminée, ni la brûlante châtaigne.  
Aussi me suis-je laissé glisser dans sa douce torpeur, un soir. 

Au réveil, tout avait changé. La pluie cognait contre la vitre.
On eût dit que le ciel se déversait sans retenue sur la terre
chassant dans ses abris tout ce qui courre, marche ou rampe. 

Les tuyaux de l’orgue gémissaient en une longue plainte
accompagnant le fracas des arbres qui se couchaient
tandis que le coq attrapait le tournis sur la girouette affolée. 

Envolés les doux frimas qui firent place à la morsure du froid
Je grelottais tentant d’assécher vainement un méchant rhume.
Dans quelle sombre histoire étais-je venu me fourvoyer?  
   
On m’avait prévenu que l’automne pouvait être mauvais bougre
mais de là à envisager un tel revirement de situation, 
mon innocence et ma candeur ne m'y avaient nullement préparé. 


Allais-je attendre l’hiver ainsi, sans mot dire, sans bouger?
La crainte d’une nouvelle colère de l’automne me gagnait
quand il se fit plus amène et plus tendre encore qu'au début. 

Il me fit goûter chanterelles, truffes, cèpes et autres bolets
Il fit venir l’été indien et sur des terrasses, je bus le vin nouveau.
Il m’enjôla si bien que je me mis de nouveau à espérer. 

Hélas, les premières neiges en furent les annonciatrices,
Sa nature profonde reprit le dessus, âpre, implacable 
contraignant tout ce qui vit à courber le dos pour se protéger.  

Alors que la nuit gagnait sur le jour, le froid sur le chaud
et que, recroquevillé, je remontait le plaid jusqu’au menton 
je le surpris, hagard, dans une étrange attitude de contrition.

Il venait vers moi comme s’il avait à se faire pardonner. 
Une de ses mains étaient semblable à une pomme de pin
l’autre était de terre colonisée par des êtres microscopiques.

Il m’avoua la dure tâche d’être celui qui passe après l’été,
d’avoir à calmer ses ardeurs par le troupeau ruisselant du ciel
d’avoir à remplir les nappes après qu’il les ait asséchées.

Il fit tomber au sol la pomme de pin, ouverte comme une main
et m’indiqua qu’après l'ascension du printemps puis de l’été,
il était la saison du choir, du retour vers l’argile originel. 
  
Puis de sa main de terre, il couvrit la pomme de pin.
Du tréfonds de ses entrailles remonta ce simple mot,
repose! et la pomme de pin sut qu’elle deviendrait arbre. 

Je compris alors combien est lourd le poids de l’automne.
Je compris sa tâche, celle de peser sur ce qui doit descendre,
de couper ce qui est mort pour alléger ce qui est vivant.

Il arbora lentement un autre visage, celui de l’espérance
dans lequel je vis le travail de milliers d’êtres enfouis
préparant, à l’abri des regards, le grand œuvre du printemps. 

Un rai de lumière vint embraser le feuillage chamarré du tilleul 
tandis que l’étang reflétait la cime des chênes, déjà dépouillés.
Je ne lui en voulais plus d’être celui qu’il était, le précurseur. 


J’étais serein comme une noix posée sur un tapis de feuille.
Je me sentais en paix en sa présence, dans une léthargie
confinant à l’engourdissement, car déjà l’hiver me tendait les bras.  

 
 

Publié dans 'poétie'

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G
quelle jolie saison et quelle responsabilité que celle de l'automne qui rivalise de beauté avec les couleurs de l'été pour mieux nous faire accepter l'hiver .tes mots sont vivants comme un feu de bois aux couleurs chatoyantes, parfumés comme les senteurs des sous bois musicaux comme le vent dans les branches , doux comme la mousse et délicieux comme une fricassée de girolles . merci pour ce festival de saveurs .
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