La singulière allée
Dans une singulière allée
Passe un cavalier, sans cheval.
Il va au trot d’un pas assuré.
Ses bottes ne touchent pas le sol.
On dirait qu’il va au-devant
D’un destin qui n’est pas le sien.
Quelle force le soulève ainsi
Entre les rangées d’arbres muets ?
Car enfin, dans cette histoire,
Où est passé le destrier?
Pour le savoir, il faut tourner la page.
Le cheval s’abreuve à la rivière.
Il est passé dans d’autres mains
Celles, amies, de ses compagnons.
Ils lui ont intimé de ne pas suivre
L’allée singulière bordée de peupliers.
Mais lui n’en a cure, il est happé
Par un charme mystérieux
Dans lequel il se laisse aspirer
Au mépris des lois de la gravité.
Et lorsque l’allée prend fin
Brusquement saisi par un souffle,
Il s’envole comme un fétu de paille
Au-delà de la page du cahier.
Ainsi disparaissent les héros
Qui veulent échapper à l’histoire
Du conteur mal inspiré,
Où ils se sentent à l’étroit.
Ainsi fini mon récit,
Au bout de la singulière allée
Par où sont appelés ceux et celles
Que ne retient pas la vie.