Le torrent
Il se hâte, le torrent. Il n'a pas le temps. Il lui faut rejoindre au plus vite la rivière en vallée. Les moulins ont besoin de son eau. Les tanneries comptent sur lui pour assouplir les cuirs, les lavoirs pour rendre le linge éclatant.
Les sources innombrables le pressent. Elles veulent connaître des villages, des villes. Il lui faut ramasser les fontaines des hameaux, les ruisseaux des vallons.
Il n'a pas le temps. Il se précipite. Il saute sur les rochers, chute, se redresse et reprend sa course. Il n'a pas le temps de voir le soleil rougir les rochers de la combe, ni de voir naître sur la mousse le petit isard.
Jour et nuit, il dévale. C'est à peine s'il a vu grandir les truitelles, dans le petit bassin où la mère avait déposé ses oeufs. Aujourd'hui elles se jouent de ses bouillonnements et de ses chutes.
Lorsqu'il croise le chemin des pèlerins, il se rend étale prenant soin de ne pas emporter les pierres plates sur lesquelles leurs pieds se posent. Certains parfois, de la paume de leur main, recueillent son eau vive dans un geste lourd. Il prend alors le temps de couler lentement sur leur visage grave.
Zariquiegi, le 1 juin 2016
Toute ma gratitude à l'albergue San Andres, dans ce petit village de Zariquiegi à 12 km de Pamplune, où j'ai pu bénéficié outre du confort d'un lit et du repas, de la salle tôt le matin pour écrire au calme, ce qui semble être une gageure dans les albergues d'Espagne.