L'angélus
"Depuis Giscard, je le sonne deux fois, une fois à midi et une fois à quatorze heure. C'est la tradition! "
"Non, pensez-vous, ça ne me fait rien, j'habite à côté."
Ainsi s'exclame le sonneur de cloche de quatre vingt douze ans bien sonnées, avant de monter les marches de bois lui permettant d'atteindre la corde qui grimpe à l'unique cloche de l'église.
Puis il ajoute: "ils ont essayé de mettre un mécanisme..."
et après un silence, dans un sourire espiègle: "mais ça a pas marché!"
"Je sonne depuis que je suis né. C'est à dire que c'est ma famille qui l'a toujours fait. Moi j'ai commencé à 12 ans, je venais après l'école."
Les journaliers qui travaillaient dans les champs me disaient:
"sonne bien à l'heure, petit"
parce que pour eux c'était la fin du travail dans les champs. On marchait à l'heure solaire, à ce moment."
"Mais l'angélus, ce n'est pas l'heure, hein! Il y a beaucoup de gens qui confondent. L'angélus c'est le temps. C'est pas pareil. C'est le temps de la prière dite sur place, là où on est, comme dans le tableau de Millet."
"Maintenant on la dit plus, sauf peut-être les quelques pèlerins qui passent. Mais on m'a dit que c'est ce n'est plus religieux comme autrefois, que c'est devenu touristique, alors...
Ca fait rien, je sonne quand même. Que voulez-vous, c'est la tradition!"
"Quand je serai plus là?"
Son visage s'illumine.
"Peut-être qu'elle se mettra à sonner toute seule? Depuis tout ce temps que je lui ai appris..."
Sault de Navailles, le 24 mai 2016
Toute ma gratitude à notre hôtesse qui a ouvert son gîte trois étoiles de 9 places pour nous seuls, nous enjoignant d'utiliser tout l'équipement habituellement mis à disposition des estivants, dont la cuisine extérieure dotée d'une plancha où nous avons fait cuire une belle entrecôte avec des légumes... Pas très pèlerin comme standing, mais si bon...