Fêlée

Publié le par Denis

Fêlée

Je suis née du même moule que mes soeurs, mais une paillette s'est trouvée dans le bronze qui m'a conduite à un destin singulier.

Dès les premiers coups sur le métal, le fondeur a bien perçu une fragilité dans le son, mais rien ne me différenciait des autres cloches, aussi me déclara-t-il bien née.

Cette fragilité s'est muée après quelques années en une autre nature, lorsqu'apparu la fêlure.

Le clan de ceux qui me voulaient ainsi faite à ma place l'a emporté sur ceux qui se disaient gênés par les stigmates audibles dans mes harmoniques.

Depuis, ce n'est plus qu'à l'heure de midi, alors que sonne le carillon, que je fais entendre ma différence aux côtés de mes soeurs.

Mais je sais des âmes sensibles qui guettent cette heure pour vibrer à l'unisson de ma voix affaiblie.

La Châtre, le 26 avril 2016

Ma gratitude à la propriétaire du moulin Borgnon qui m'a ouvert les portes de l'ancienne salle où tournait la meule, aménagé en studio et d'où, arrivé moulu comme la farine, je suis reparti avec la fermeté du grain.

Publié dans Compostelle

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S
Heureux les fêlés car ils laissent passer la lumière.<br /> Buen camino<br /> Je t'embrasse<br /> Marie
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