La branche et l’oiseau - le Présent

L’oiseau est parti et la branche se balance encore dans l’air léger. 
Elle met longtemps à retrouver son immobilité, sa quiétude de branche. 

Elle avait poussé naturellement d’un bourgeon et puis avait donné naissance 
à des feuilles et puis à des fruits parce que c’est sa nature de le faire. 

Ce faisant,  elle n’avait pas imaginé servir un jour de perchoir à l’oiseau. 
Et pourtant, un oiseau sur une branche, c’est tout aussi naturel qu’une feuille ou un fruit. 

Mais un oiseau, ça hoche la queue, ça se tourne, ça reçoit des visites, ça chante,
ça fait tout un bazar auquel la branche n’a pas été préparée. 

Alors quand l’oiseau part, elle se dit pourvu qu’il ne revienne pas. 
Mais l’oiseau revient, ils sont deux maintenant, avec des brindilles plein le bec. 

Et les voilà qui font un nid et dans le nid, elle pond des œufs, la jolie dame oiseau. 
C’est bien lourd pour une branche menue comme notre branche, qui soupire. 

Et voilà que ça piaille toute la sainte journée, cinq becs qui ne se ferment jamais.
Chaque rotation elle plie un peu plus, la branche, car au bout des becs, ça se met à grossir.

Puis un jour, silence ! Partis, tous, on ne sait où. Reste le nid, somme toute léger.
Passe l’été et puis vient l’automne avec ses bourrasques dont l’une fait tomber le nid.

Tout l’hiver, la branche pense à ces oisillons qui lui ont causé tant de tracas
mais qui lui ont apporté ce regain de vie que n’a pas connu la branche d’à côté.

Alors, quand au printemps elle voit un des petits revenir 
et se poser sur la branche d’à côté, elle est un peu triste.   

Elle se dit qu’elle aurait dû se réjouir, l’an passé, d’avoir été choisie. 
L’oiseau est parti. Seul le vent l’agite encore et le souvenir des ailes de la vie.