Le four à pain
Avec ma gueule ouverte laissant deviner mes flammes et ma grande pelle en bois, d'aucun prétendent que je suis l'âme du village.
Chaque maison à bien son foyer autour duquel se réunit la famille, mais c'est vers moi que tour à tour confluent ceux qui portent encore la boule de pâte précieuse qui leur fera la semaine.
Comment ai-je été préservé jusque là de ces fours modernes ne sachant que produire de la chaleur, je ne sais, moi qui donne au pain le parfum des sous bois et le goût de la résine. Peut-être certains ont-ils compris que laisser mourir un four à pain, c'est comme laisser s’effacer la mémoire d'un village.
Alors ils entretiennent le feu. Car ils savent que ce feu va au-delà de mes pierres. Par le pain que je cuit, il pénètre dans chaque maison. Et chacun sait quand il rompt le pain que l'eau, la farine, le sel et le levain se sont unis à la chaleur de mes flammes.
Et avec le feu, c'est la forêt qui s'invite avec ses chants d'oiseaux, et la terre où à poussé l'arbre, la pluie et le soleil qui lui ont donné ses branches dont à été tiré le bois. Et voilà que s'invitent aussi les grosses mains calleuses du bûcheron qui ont fendu les bûches et celles blanches et délicates qui ont pétri la pâte, et en tout dernier les quelques gouttes de sueur du boulanger qui ont refermé la porte du four derrière elles.
Et le pain est béni de rassembler tout cela.
Non pas tous les pains, mais celui que mangent les habitants qui ont su préserver l’âme de leur village.