Lettre de la goutte d'eau à son frère 

Publié le par Denis

Lettre de la goutte d'eau à son frère 

Parmi les innombrables, il y a les étoiles dans le ciel, les cailloux sur la terre et les gouttes dans l'eau. 
De l'eau ! devrais-je écrire, car l'eau n'existe que par moi, comme toi-même n'existe que par l'eau. De la première goutte est né le vivant. De la dernière, il s'éteindra. 
Et si nous prenons autant de formes ; cascades, nuages, mers, lacs, glace, vapeur, c'est pour permettre au vivant de se multiplier sous toutes ses formes. De l'instant où nous nous échappons de la surface des océans jusqu'au moment où nous y retournons, nous n'avons de cesse de le faire croître par la sève et le sang, de le purifier en évacuant ses miasmes, de le baigner, de le porter, de le putréfier afin qu'il se renouvelle. 
Et dire que nous sommes la cause de luttes entre vous, certaines espèces pour un marigot, vous mêmes pour détenir la source des fleuves ou l'accès à la mer ! N'en serions-nous, qu'au début ? Car, tu le sais, sous certaines latitudes vous avez modifié notre cycle. Ne crois pas à une revanche lorsque nous désertons ta région ou venons nous abattre en pluies diluviennes sur tes récoltes et ta maison. C'est que nous sommes un peu affolées et perdues sous ce ciel qui ne cesse de grimper en température. 
Toi que j'ose nommer frère, car attachés à la même mère, la terre, vois la perle que je forme le matin sur les pétales de tes fleurs, vois la pureté de ma courbe et l'éclat de la lumière que je renvoie. Si ma beauté te touche alors, rentre chez toi, embrasse les tiens, et ensemble considérez chaque geste que vous ferez désormais afin qu'ils me préservent, moi la goutte d'eau, ta sœur, et tout le vivant par surcroît. 


 

Publié dans 'poétie', Assise

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