La jeune mendiante
A l’envers de la face qu’offrait la fillette mendiante, il y avait une redoutable combattante.
Son regard était son arme la plus précieuse. Elle savait vous atteindre de toute la douleur que sa jeune vie avait le loisir d’éprouver au contact du bitume, de la crasse et du mépris.
Savait-elle le pouvoir qu’elle exerçait sur les consciences de ceux qui détournait la tête pour ne pas se laisser brûler par la flamme brillant dans ses yeux ?
Toujours est-il que sa présence irradiait une chaleur qu’elle puisait aux confins de son être de misère et de noblesse, dont elle savait la jeune beauté déjà meurtrie.
Pour toute sébile, elle n’avait que la paume de sa main, qu’elle tendait en courbant la tête dans un mouvement d’offrande. Car elle s’offrait. C’était là son secret.
Elle était don, tout entière dans le geste, comme un peintre ou un sculpteur à qui elle empruntait la pureté du tracé, faisant de l’acte de mendier un art dont elle maîtrisait tous les aspects.
Elle laissait la nuit absorber les derniers passants avant qu’elle ne se couvrit des étoffes grasses et sales qu’elle avait disposées sur le sol.
Ainsi couverte, cette poupée de chiffon repartait vers le lieu de son repos, tenant une main dont il était difficile de savoir si elle était celle, père ou maître, d’une personne bienveillante.