Défaite
Il ne lui a pas semblé devoir s’approcher d’elle, tant sa mine était défaite. Elle venait d’apprendre que des hommes en colère avaient pris le pouvoir et ne le quitteraient qu’après l’avoir profondément soumis à l’empreinte de la peur.
Il lui fit un signe, l’invitant à le rejoindre dans les coulisses et là, il la laissa s’échouer dans ses bras, se contentant de caresser ses cheveux. Il tenait contre sa poitrine celle qu’il avait aimé, trahit, supporté, adulé.
Ils savaient trop que cette défaite était celle de leur couple, avant tout. Ayant chacun à leur tour été dans l’ombre de l’autre, puis dans la lumière, ils se savaient comme un vêtement que leur peuple avait trop longtemps porté.
Ils allaient désormais vieillir ensemble avec le poids de cette déroute, avec le sentiment d’avoir sinon failli, du moins d’avoir déçu, n’ayant pu mettre leur pays à l’abri d’une mainmise de l’arrogance.
Ils s’étaient préparés à gouverner à nouveau dans les ors, ils allaient devoir apprendre à se gouverner eux-mêmes, avec cette fragilité apparue comme une faille salutaire dans leur destin.
Il lui dit que c’était maintenant le moment de quitter la scène. Elle s’arracha alors à son étreinte, se projeta devant ses supporters et elle fit ce qu’elle avait à faire, n’ayant rien laissé au hasard dans sa préparation
Elle prononça les paroles d’usage avant de leur décocher un dernier sourire d’adieu, agitant une main bien moins vigoureuse qu’il y a encore quelques heures, dans son dernier discours de vainqueur, et dans laquelle pesait désormais tout le poids de la défaite.