La Terre et l'Ombre
Assise devant la porte de sa maison, seule,
Une femme tremble et sourit étrangement,
Éclairée par les rayons obliques du soir.
Ce qu’elle avait de plus cher s’en est allé.
La mort a emporté son fils,
Une camionnette son mari, sa belle fille et son petit-fils.
Elle devra se nourrir de leur présence lointaine
Pour vivre désormais sur cette terre
Cernée par une nature hostile.
Des cultures industrielles de canne à sucre
Ont envahi la terre rouge et profonde
Où elle cueillait autrefois les fruits des vergers.
Chaque feu qui désormais précède la récolte
Répand alentour ses cendres noires
Instillant leurs dards dans les poumons fragiles
Comme l’étaient ceux de son fils perdu.
L’arbre centenaire lui servira d’ombre
Le chant des oiseaux de compagnie
Et le chemin de souvenir.
Elle les rejoindra par un autre chemin
Celui qu’elle a choisi depuis toujours,
Qui n’emprunte pas la voie tracée par des hommes.
Ce chemin vertical, elle va le parcourir
Sans changer de lieu ni de vie
Jusqu’à devenir si légère que ni l’arbre,
Ni les oiseaux ne pourront la retenir
Dans son ascension vers ceux qu’elle a le plus aimé.
A César Acevedo, réalisateur colombien du film du même nom