Le bousier

Publié le par Denis

Le bousier

Moi, je suis le bousier. Ils m'ont appelé comme ça à cause du métier qu'ici bas j'ai choisi d'exercer. Je transforme la bouse en or. Pas de l'or pur, métallique, non, mais de l'or minéral. Un or dont se servent les fleurs pour attirer les insectes. Un or qu'utilise tout règne végétal pour briller et s'attirer les bonnes grâces du ciel et des étoiles. C'est un peu grâce à moi que les plantes et les arbres poussent vers le haut. 

Ma vie, je la passe à élaborer de la nourriture sacrée pour les plantes à partir des restes de nourriture des animaux. Ce faisant, au passage, je me nourris moi-même et ma famille qui vit et grandit sur ces excréments. Quelle plus belle tâche que de rendre à la vie sous une forme noble ce qu'elle a produit sous la plus vile des apparences. Pardonnez moi si je vous inspire le dégoût, mais sans moi vous ne pourriez plus marcher sur une terre couverte de déjection, vous ne pourriez plus apprécier l'odeur du jasmin et de la violette, vous ne pourriez plus vivre tout simplement. Sans vouloir me comparer à la lumière,  - ce serait me faire trop d'honneur - , je redonne du lustre à cette obscurité où vagissent les restes une fois consommés. 
Tout se transforme ! Et pas seulement vos petits, à qui il pousse de la barbe à l'âge où le crâne commence à se dégarnir. Tout autour de vous et en vous se transforme. L'état stable n'existe pas. Nous sommes de ces agents qui, comme les microbes ou les chiffonniers aux portes de vos villes, séparent, coupent, taillent dans la matière pour qu'elle serve encore le vivant. 
Les égyptiens ne s'y sont pas trompés qui m'ont déclaré sacré, symbole de toute transformation, donc de vie. J'accompagne même certains d'entre eux dans leurs tombeaux pour guider leur mutation vers un royaume éternel. 

Alors si au cours d'une de vos marches, vous me croisez sur un bouse ou un crottin, ne détournez pas les yeux. Contemplez ce qui est à l'œuvre sous vos yeux, l'instant sacré de la transformation
Alors si au cours d'une de vos marches, vous me croisez sur un bouse ou un crottin, ne détournez pas les yeux. Contemplez ce qui est à l'œuvre sous vos yeux, l'instant sacré de la transformation. 

 sacré de la transformation. 

Publié dans 'poétie', Assise

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