Le grand Fait-Tout
Devant son piano céleste, avec son tablier cosmique
Le grand Fait-Tout n’a pas cuisiné que des mets réussis.
De la soupe originelle, il est sorti quelques ratés,
des soupes à la grimace qui ont encore du mal à passer.
Les plus grands tâtonnent avant de fixer une nouvelle recette
Mais quand il est question de fixer l’Univers, peut-on faillir ?
Certes, il est parti de rien, le grand Fait-Tout, sans modèle.
mais avec une ambition incommensurable, digne d’un Dieu.
D’ailleurs, je me demande, s’il ne s’est pas pris pour un Dieu
parfois, en réglant les feux et en touillant avec sa cuillère.
Sauf qu’il ne savait pas vraiment où tout ça finirait ;
le cosmos, les étoiles, les planètes, jusque-là il maîtrisait.
Mais lorsqu’est apparue la terre avec son désir irrépressible
d’enfanter le vivant, il a senti que quelque chose lui échappait.
Il a bien tenté un ingrédient, pour contenir la prolifération,
Il a fait en sorte que la vie se nourrisse de la vie.
Ca a assez bien fonctionné pendant quelques milliards d’années
et a permis au vivant d’aller à son achèvement, l’homme.
Seulement, voilà, l’homme lui a définitivement échappé
et c’est là qu’on peut parler de soupe à la grimace.
Il est sorti du grand Fait-Tout et a fait n’importe quoi
malgré l’intelligence et la sagesse que le vivant lui avait conféré.
D’aucun prétendent que le grand Fait-Tout a rendu son tablier
et que c’est à l’homme de décider lui-même de la suite.
D’autres disent qu’il n’a pas dit son dernier mot
et que l’homme ferait bien de tenir compte de sa cuillère,
car elle pourrait bien s’abattre sur lui, l’écraser
et redonner tout son lustre à la terre qui souffre de ses errements.
A moins que la beauté finisse par se rebeller
et lui faire entendre qu’elle ne veut plus être saccagée,
à moins que la lumière ne le pénètre assez
pour lui révéler sa part sacrée qu’il feint d’ignorer,
à moins qu’il n’entende plantes et animaux le supplier,
à moins qu’il ne retrouve sa juste place parmi le vivant.
Le grand Fait-Tout pourra alors retrouver le sourire
et continuer, éternellement, à touiller la soupe.