Relèvement
Lorsqu’il se mit debout,
la première chose qu’il atteignit
de ses mains encore fragiles
fut le sein laiteux de la lumière.
Il s’accrocha à cette source
comme un enfant avide, et bu.
Chacune de ses cellules alors,
s’éveilla et se mit à sourire.
Argile, il avait reçu le souffle d’en bas
qui lui avait permis de se mouvoir.
D’en haut, venait de lui être donné
l’accès sans mesure à l’ultime.
Pourquoi fallut-il alors qu’il déchût
de cet état de grâce originel,
pourquoi l’ombre, pourquoi le peu,
pourquoi le manque, pourquoi l’absence?
Il est face au vide qu’il veut combler
Le temps lui échappe, il le contraint.
Il s’agite, il n’est plus que croissance
et consume la terre qui l’accueille.
Il est désormais sur le flanc, meurtri.
Sombre est son âme.
Tout en lui aspire à cette lumière
dont ses cellules ont mémoire.
N’était-il pas dans la ligne des espèces,
le dernier, le plus abouti,
celui qui devait clore l’évolution
par cet accès à l’illumination.
Il se retourne et voit l’ange.
En lui abonde l’ineffable.
Il lui prend la main et le soutient.
Ils marchent désormais côte à côte.
Il lui apprend le relèvement,
à s'ouvrir au nouveau.
Des fleurs éclosent sous leurs pas
Il lui apprend à être le printemps.
Ses rêves de puissance ont disparu
Il apprivoise le peu, le manque.
Se creuse en lui le lit de l’absence.
Il est germe, né de l’obscur.
Secrètement alors s’éveille en lui
la tension plus que féconde
entre l’en bas et l’en haut
qui le grandit en l’amenuisant.
Il s’élève à hauteur d’un vivant
qu’il sait naître de chaque instant.
La lumière redevient lait.
Il ne craint plus le manque, ni la mort.
L’ange s’efface, discrètement.