Pain
- « Les mots enfournés dans un poème,
c’est aussi nourrissant que le pain ».
C’est ce qu’il se dit le matin
devant son pétrin, blanc comme une feuille blanche.
La farine, elle, a été moulue longuement, finement,
en lui, sous la meule du temps.
Il est lui même pétri autant qu’il pétrit
Il doute, il cherche, il se perd pour mieux trouver.
Et voilà qu’il tient le levain
Celui qui va faire monter le poème au dessus de lui.
Il le fait pénétrer par la bouche des mots
et de ses poings serrés le maintient jusqu’à ce qu’ils en soient tous pénétrés.
La saveur n’y est pas encore
Il rajoute le sel de la terre, la terre à hauteur de son cœur.
Et puis il mouille encore avec des larmes
des larmes de toutes sortes qu’il a recueillies au quatre coins du globe.
Vient alors le temps de cuire le tout à la chaleur du corps
pour en faire un pain de chair, un pain partagé.
Ce sera fête lorsqu’à pleines dents il sera mordu, consommé.
C’est du désir d’être mangé que naît le poème.