Tandis que s'éteignent les derniers anges des mers
Il n’est rien qui ne me parle,
soupir, gémissement, râle,
jusqu’au silence assourdissant
de ces derniers qui vont s’éteignant.
Mais qu’entends-je, vraiment,
De cet appel qui sourd de la terre ?
Rien qui ne m’émeuve, assez
rien qui ne me bouleverse, assez
pour éteindre tout désir
d’accaparement.
Tandis que s’amassent autour de moi
les biens qui me soulagent et me rassurent,
s’étouffe le son rauque du vivant
qui me hèle de toutes ses espèces menacées.
Réveille-toi, murmure le grand séquoia,
sors de ta léthargie, susurrent les coraux,
va au-devant de toi, dit le poisson lune
réconcilie toi avec la vie, chante la tortue luth.
Mais qu'entends-je, vraiment
de cette polyphonie grêle des gisants ?
Rien qui ne m'étreigne, assez
Rien qui ne me blesse, assez
pour tarir les sources de l'avoir
et laisser jaillir celles de l'être.
Assez de ces mains de prédateur !
N'ai-je pas en moi les racines du ciel
Qui m'indiquent de m'élever
À la juste hauteur de l'homme
Sans épuiser la terre qui me porte ?
Mais peut être dois-je apprendre
à conjuguer l'homme au passif ?
Peut-être dois-je accueillir ce qui est
Au lieu de prendre ce qui vient ?
Accueillir sans gain ni profit
les offrandes déposées sur la table du jour,
Accueillir la main que me tend l'aube hésitante,
Accueillir la brèche dans l'enceinte des mes certitudes
Accueillir en m'en laissant pénétrer
la lumière qui transforme la matière,
accueillir comme autant de grâces,
les petites morts qui conduisent à la vie.
Il n'est rien qui ne me parle
jusqu'à cette voix entendue ce matin
où se mêle le tragique et la beauté
et me prie de parler, pour eux.
* L’ange de mer est un poisson inscrit en danger critique sur la liste rouge des espèces en voie de disparition produite par l’UICN