Des gestes simples
Ils ont caressé leurs certitudes avant de les pousser une à une sur le pas de la porte.
Puis ils ont délicatement dit à leurs vieux principes de s’en aller mourir ailleurs.
Ce furent là leurs deux premiers gestes, après qu’ils eurent décidé
de vivre heureusement les petites adversités.
Étrangement, ce n’était pas la grâce qui les avait visités
ni une quelconque révélation qui les aurait soudain saisis
et conduits à adopter cette façon d’être singulière, mais le doute.
Il s’était immiscé par la fenêtre ouverte de leur rencontre,
et s’était mis alors à déplier soigneusement le contenu des armoires
pour l’exposer, sur le fil de leur jardin, au vent de l’incertitude.
Leurs idées, leurs croyances s'étaient ainsi affadies
si bien qu’ils ne reconnaissaient plus leurs opinions,
une fois décrochées et posées en vrac dans la bassine à conviction.
Ils durent se résoudre à ce troisième geste qui, étonnamment, ne leur coûta pas.
Ils poussèrent la bassine sur les eaux du fleuve de l’intranquillité,
bien décidé à ne plus rien s’approprier qui ne soit source de joie.
Ils eurent encore d’autres gestes simples l’un envers l’autre
comme celui de marcher main dans la main sur les chemins
en prenant garde à ce que leurs pieds embrassent le sol,
ou comme cette révérence lorsque l’un d’eux, rassasié de jours
se glissa sur l’aile du passage pour aller au-delà du temps.
Certains disent les voir parfois se tenir la main à travers le ciel.