Histoire piquante

Publié le par Denis

Histoire piquante

Une bogue mit au monde trois petites châtaignes, 
sans crier, avant de s’en aller mourir de sa belle mort, 
sur le tapis de feuilles disposé au pied du châtaignier. 

Les trois petites châtaignes eurent des destins divers
mais toutes trois gardèrent de leur enveloppe matricielle 
le souvenir ému d’avoir été protégées durant la chute.

Elles n’ont vu l’épaisseur du tégument qu’à son éclosion.
Des piquants qui hérissaient la surface de la bogue, 
elles n’en ont pris conscience qu’après son ouverture.

Leur restaient en mémoire le goût sucré de la sève nourricière
et le balancement que le vent imprimait à leur branche
tandis qu’elles croissaient dans le cocon bienfaisant.

La bogue n’aura-t-elle vécu que pour nous abriter ?
Telle était la question qui ne lassait pas de les intriguer. 
Aura-t-elle eu une vie propre au-delà de nous donner la nôtre?

La réponse ne leur parvint ni du vent ni des étoiles
mais de la bogue elle-même, qui au moment de mourir
avait inscrit sur le sol : nos vies ne servent qu’à servir la vie. 

Puissé-je aimer comme la bogue a aimé ses châtaignes,
Puissé-je vivre comme elle a vécu,
Puissé-je mourir comme elle ! 
se disait un sage en contemplant le feu
dans lequel grillaient des châtaignes. 

 

Publié dans 'poétie'

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