Mon oeil! ou la subversion de l'image
Debout devant le tableau, il n’y avait d’abord vu que du feu.
Un vrai feu avec des crépitements et des flammes qui dansaient devant ses yeux.
Mais aucune chaleur ne lui parvenait ;
Aurait il été trahi par le feu ou par son œil ?
Un diable d’homme se mit alors à tisonner les braises avec son trident.
Il l’invitait maintenant à traverser le feu.
Ce qu’il fit, sans ressentir aucune brûlure.
Il se dit alors qu’il était dans une drôle d’histoire.
Lorsqu’il arriva de l’autre côté de l’image
Il se retourna et vit le tableau qui flottait sur des vagues agitées.
Lui même sentit le flot l’envahir peu à peu.
Et il n’eut d’autre issue que de grimper sur le tableau toujours en feu.
Il se retrouva aux côtés d’autres images
Qui, elles aussi, avaient largué les amarres et pris le large
S’affranchissant de tout le poids des significations et symboles
qu’elles étaient chargées de déverser dans l’œil des visiteurs.
Une statue de bronze qui voguait allègrement, nue sous ses voiles
S’approcha de lui et tendrement le recueilli dans ses bras.
Lorsqu’ils atteignirent la flèche d’une cathédrale,
elle se posa sur le socle qui l’attendait depuis toujours.
Lorsque l’eau décida de reprendre le chemin vers là d’où elle venait,
La flèche se mit à genou et le déposa sur son parvis, à ses pieds,
au moment même où le tableau en feu le rattrapait,
attisé par ce diable d’homme se servant de son trident comme d’une gaffe.
Il ne fallut pas longtemps avant que l’image ne le happe
Et le ramène sur le carrelage froid de la galerie surréaliste
où il était entré, l’œil attiré par une affiche en lettre de feu,
invitant à vivre une expérience de subversion par l’image.