A la lisière
C’est là qu’il se tient le plus souvent, l’artiste,
A la lisière.
Il en a adopté les rites,
N’être ni dans ni hors, mais à la fois dans et hors.
Etre à la fois dans l’ombre et dans la lumière,
Dans l’étendue et dans l’élévation,
Dans le multiple et dans le singulier.
Il se tient dans le chant des oiseaux
A la lisière
Là où ils ont coutume de nicher
Leurs vols nourriciers l’abreuvent de sons
Dont il tisse un art immatériel
Mêlant leur chant au craquement des fûts de hêtres
Et à la plainte du vent sur la plaine accroupie.
Il se tient dans l’étoffe de l’art
A la lisière
Dans la couture qui relie les pièces,
Assemblées au gré de son inspiration
Pour bâtir un patchwork des genres
Ouvert à toutes les influences
Il se tient là où les peuples sont divisés,
A la frontière
Qui est lisière de culture et de pays,
Où se jouent des embrasements
Où se construisent puis s’abattent des murs,
Où son art apporte la concorde
Il se tient au point d’équilibre
A la lisière
Où se crée la rencontre des différences
Où se mêlent masculin et féminin
Dans un ourlet tendre dont il égrène
Les notes, savamment, amoureusement.
Il se tient au plus près de vous
A la lisière
De votre âme insoumise et légère
Magnifiant les beautés dont elle se pare
Lui suggérant de se tenir, elle aussi
Là où se brassent les corps, là où foisonne la vie…
A la lisière.