Reporter en Haïti
Un bras, une poutrelle, des lambeaux de papier peints jauni sur un bloc,
Une rue qui serpente entre les corps recouvert d’un drap,
L’aube se lève sur le lieu de désolation qu’est devenu Port au Prince.
Je vous dois de témoigner. Pardonnez-moi, mais c’est insupportable.
Ce papier est peut-être mon dernier avant longtemps.
Je suis reporter !
Mais ici, je veux porter…
Soulever cette chape de béton avec d’autres,
Tenir la main de deux ou trois qui font face à la mort en silence.
Je suis reporter, et c’est insupportable.
Ici, je veux apporter
Des vivres, de l’eau, je veux partager ce que j’ai
Mais comment survivrai-je ?
Je suis reporter, c’est insupportable.
Je veux emporter
Amener ces corps abandonnés vers une sépulture décente
Emporter les vivants qui restent, loin de la désolation.
Mais je ne suis que reporter.
Je prends des photos, j’écris, j’assiste à l’horreur sans pouvoir rien y faire
Je témoigne de la vérité. C’est le plus beau des métiers.
Mais ici son exercice est insoutenable.