Hors de Soi
Trois véhicules sont là
Pour nous conduire hors de nous
L’amour nous amène tantôt vers les cimes de l’extase,
Tantôt vers les pics de la folie.
C’est un transport ailé aux griffes acérées
Dont les blessures longtemps après
Suintent encore.
La colère est un vaisseau qui nous amène
Corps et âme, sur des mers intérieurs
Où se précipitent des fleuves de sang
Et que viennent grossir des tempêtes soudaines.
Au terme du voyage, abusé par des sombres naufrageurs,
Elle nous fait espérer un port, avant de nous précipiter
Sur les rochers, meurtris, le corps désarticulé.
Et puis quand ni l’amour ni la colère
Ne peuvent plus nous transporter,
Il reste l’ivresse, bonne fille,
Avec son âne et sa carriole, emplie de fioles bariolées
Les mers et les ciels auxquels elle nous conduit
Ne donnent pas le vertige, non.
Tout juste revient-on, chancelant, hagards,
La cravate dénouée et le cheveu hirsute,
Content, somme toute, du faible tribu demandé.
Si être hors de soi est un état exaltant et ravageur,
Rester chez soi demeure un art véritable.