L’instant
Depuis quelques temps déjà,
Les pentes résonnaient des clochettes des brebis.
Le ruisseau têtu poursuivait sa course vers la vallée
Encore assoupie après les festivités de la nuit.
La ligne de crête se dessinait parfaitement, ce matin là ;
D’un côté, la terre où nous nous trouvions
Et de l’autre, le ciel, sans trace.
Tout juste devinait-on la dentelle des arbres
Courant par delà les cols et les sommets.
Le moment se précisait.
Un jaune de plus en plus intense
Focalisait notre regard.
Nous savions le moment sur le point d’advenir.
Adossé au mur de la bergerie, nous guettions.
Et l’instant survint.
Le premier rayon nous atteint
Puis la chaleur devint perceptible,
Le disque grossit jusqu’à devenir entier
Et se détacher de la crête qui l’avait abritée.
Tout a basculé en un millionième de seconde
Et la bâtisse et la vallée et ses habitants
Furent atteint par la lumière dans ce mouvement
Intense et fulgurant, mécanique et précis
Comme le ballet des planètes.
Combien de guetteurs de l’aube étions-nous ce matin
A ressentir dans notre dos la poussée de la nuit
Nous précipitant vers le jour ?
Combien étions-nous à communier avec
L’inexorable marche de l’horloge planétaire ?