C'est bête
C’est bête !
Je me revois, l’index se posant lentement sur l’insecte,
Au bout de ma phalange, son corps, immobilisé, à ma merci.
Dans mon esprit, confusément se disputent un droit de vie et de mort.
Je me revois, exerçant une lente pression vers la table
Où trainent encore des grains de sucre, dont elle venait d’un chiper un.
J’ai la sensation légère d’un craquement
Lorsque la frêle carapace de la fourmi a cédé
Et celle de mon étonnement de ne pas voir de sang,
Lorsque j’ai relevé le doigt, constatant somme toute,
Une mort propre.
Je revois l’œil de ce vanneau que j’avais tiré
Lorsque j’avais quinze ans.
J’avais posé sur l’âge de la charrue, le fusil
Qui m’accompagnait dans le labour hivernal.
Lorsque j’ai relevé l’oiseau à la huppe blanche,
Nos regards ont plongés l’un dans l’autre,
Je l’ai vu me dire : tu avais besoin de faire ça ?
Ma carrière de chasseur s’est arrêtée ce jour-là,
A cause d’un index, fermement appuyé
Sur le métal glacé d’une gâchette,
Devant ce corps d’où la vie s’échappait.
Je revois ces titres encore récents:
Ecrasés par la junte …,
Abattue par le tir de…,
Et je caresse mon index avec le pouce,
Comme pour en atténuer la soudaine chaleur.