Mes jours et mes nuits
A l’heure où le brouillard se dissipe,
il flotte encore une part de mystère
dans l’épaisseur de ma chambre
où dansent des lambeaux évanescents.
Pourquoi la nuit s’oblige-t-elle
à ne livrer que par bribes sa vérité?
Qu’a-t-elle ainsi à retenir
qu’elle ne puisse délivrer au jour?
Sous mes paupières, se cachent encore
Quelques ombres qui l’ont peuplée.
C’est qu’elle a vécu, la nuit,
L’assaut des rêves et des effrois.
Elle a eu maille à partir
avec les chevaux des songes.
Au petit matin, elle ne pense
qu’à les contenir, en son sein.
Le jour ne saurait que faire
de tout ce peuple indomptable.
Sous sa robe maculée, elle peine
à masquer leurs derniers soubresauts.
Et c’est vaillamment qu’elle s’avance
dans l'aube, comme une jeune aveugle
dont les yeux vont recevoir le baume.
Elle espère, la nuit, en ce miracle,
chaque matin, pour se relever des luttes
qui l’ont agitée par vagues régulières.
Sous sa peau, la sillonnent toujours
quelques amers frissons en déroute.
Ainsi, va la nuit vers le jour, mains tendues
Couverte de toute l’opprobre
Dont elle est affublée depuis la nuit des temps
Et le jour la reçoit, avec ses tressaillements
avec ses lambeaux, avec ses taches.
Il la prend toute entière dans ses bras.
Sous sa caresse, la nuit s’abandonne
tressaute encore, et finalement s’évanouit.
Il a beau jeu alors, le jour, dans sa clarté
de dissoudre les souillures de la nuit.
Durant toute la course du soleil,
Il ablue l’écorchée de ses encres
pour la déposer vierge au lit du crépuscule,
prête à oniriser à nouveau ses tourments.
Sous la lune blanche, reprend alors
le ballet des ombres et des songes.
Ainsi, dans leur quotidienne alternance,
se fécondent mes jours et mes nuits
depuis que le souffle m’a été donné.
Puisse la lumière, lorsqu’il me sera retiré
leur ouvrir les bras et les serrer chaudement.
comme on accueille de bons ouvriers.