Désir
N'est-elle pas facétieuse, la vie
qui se plaît à convoquer
à des banquets singuliers
les émotions qu'il lui plaît !
Récemment, c'est le désir
qui fut l'objet de son attention.
Elle le convoque en belle forme.
Mais le désir ne vient pas.
Comment, se dit la vie,
qui en avait grand besoin
pour honorer ses invités,
le désir ne répond plus.
Le désir, lui, était au champ.
Allongé dans les herbes soyeuses,
il caressait le dos des nuages
en buvant la rosée du matin.
Il était simplement las,
las des sollicitations répétées,
des comportements impulsifs
dont la vie était devenue coutumière.
Il rêvait de grandes traversées
de mâts hauturiers sur la houle,
de sables ocres jusqu’à l’infini
où il puisse se déployer,
Et non de ces emportements fugaces
auxquels la vie s’adonnait,
mue par de trompeuses chimères
qu’elle qualifiait d’objets de désir.
Il voulait être sujet ! Il fit dire à la vie
qu’il ne viendrait désormais
se joindre à ses transports
que pour des voyages au long cours.
La vie, qui ne peut avancer sans désir,
remisa donc ses aspirations à la frivolité
et plongea dans le vaste fleuve
où l’amour se joue des tumultes,
d’où l’obsolescence est bannie,
qui ne connaît ni mode, ni futilité
et réserve à qui s’y laisse emporter
la plénitude des océans accorts.
Le désir, cette fois, ne se fait pas prier.
A la première sollicitation reçue,
il vient poser son aile sur les convives
que la vie lui avait désignés.
Il habille de matières nobles la salle
et tout ce qu’elle contient d’objets
d’effluves, de langueurs, de sourires
et de douces espérances caressées.
Ainsi la vie poursuit depuis ses fêtes
sans craindre la moindre absence du désir
qui a pris goût au champ, aux nuages, à la rosée,
mais goûte aussi désormais les longues traversées sur la houle de la vie.