Être au monde 

Publié le par Denis

Cette façon qu’elle a d’être au monde !
On dirait que le monde l’habite
comme elle-même habite le monde. 

Elle n’est ni dans ce qui fait le monde
ni hors de ce qui en fait sa substance
elle est en le monde comme on est en l’air.  

S’il lui arrive parfois parfois de s'abandonner 
c’est assise, jambes pendues au bord 
du cosmos qui s’étend devant elle.

Lorsqu’elle se penche sur une bestiole,
une racine, un éclat de roche ou une fleur, 
c’est un peu comme si elle s’inclinait devant l’univers tout entier.  

Qu’a-t-elle de si différent qui la distingue
sinon qu’elle demeure si proche d’elle-même
qu’elle vit chaque instant comme une éternité.

Si le temps vient à lui manquer,
elle le fait naître, au fur et à mesure de ses besoins,
de l’espace infini de son cœur.  

Ainsi peut-elle accueillir heurs et malheurs
sans dévier de sa trajectoire, amoureuse
de la vie qu’elle reçoit et puis qu’elle donne. 

N’allez pas croire qu’elle est insensible
aux serres de la souffrance 
qui emprisonnent leurs proies . 

Que ces griffes soient celles de la prédation, de la misère,
de la perte d’un être cher ou de la désespérance,
elle les ressent labourer sa propre chair. 

Elle sait que la vie se nourrit de la vie,
que le grain doit mourir avant de porter du fruit, 
que c’est au bout de la nuit que se dessine le jour, 

mais elle sait surtout que la souffrance est inutile,
et qu’il est un devoir de la combattre 
à la racine, par un surcroît d’amour ;

Ce surcroît d’amour qui lui intime de donner la vie,
de s’opposer à toutes les guerres qui lorgnent sur ses fils
et de panser les plaies du monde.

Elle a pour ses semblables la tendresse des jeunes feuilles
la lucidité de l’eau jaillie de la source,
et la permanence de l’argile dont elle se sait issue. 

Elle n’est pas une femme comme les autres.
Elle n’est pas une femme, d’ailleurs.
Elle est toutes les femmes.

 

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