La Branche et l’oiseau - Violence
La branche n’a rien vu venir
C’est tout un vol d’étourneaux qui s’abat soudain sur le cerisier.
De ces oiseaux piailleurs, elle en héberge plusieurs dizaines
dont les becs affamés, en quelques minutes,
ne laissent de ses fruits charnues à la pulpe fondante
que des noyaux pendant tout nus au bout de leur pédoncule.
La branche n’a rien vu venir,
elle s’était contentée d’amener ses fruits à maturité
comme le font toutes les branches d’arbres fruitiers.
Elle savait la lente montée de la sève et le cycle des jours,
elle savait que les cerises la quitteraient un jour
mais pas comme ça, pas aussi brutalement.
La branche n’a rien vu venir,
la voilà dévastée, ses tristes grappes de noyaux au vent
toute souillée de déjections qui sentent encore la cerise
Elle se demande ce qu’elle a fait pour mériter un tel sort,
pour avoir été ainsi envahie, avoir été pillée
avoir vu ses enfants dépouillés par cette horde ailée.
Et si je les avais vu venir
se demande la branche, qu’aurais-je fait?
Peut-on résister à ces armes que sont des becs aiguisés,
à des ventres aveugles n’obéissant qu’à leur faim
quand on est sans autre défense que sa loyauté à la vie
et un attachement indéfectible à l’arbre et à ses racines ?
La branche les verra revenir, peut-être
mais elle aura appris que prévaut chez l’oiseau son instinct
dût-il le pousser à se conduire comme un prédateur,
colonisant puis pillant, dévorant l’arbre tout entier
avant de repartir dessiner de gracieuses volutes dans le ciel.
Il ne lui a pas été demandé, à lui, de grandir en humanité.