Le maquis d'Ambléon
On disait prendre le maquis, comme on dit prendre la mer ou prendre femme ; c'est-à-dire s’adonner ici à une forêt, là à un plateau, tout lieu choisi parce que retiré qui deviendra la matrice de leur résistance.
Ils n'étaient pas guerriers, ces hommes dont le nom est gravé sur la stèle. Ils étaient sans uniformes, ils faisaient la guerre à la guerre. Ils n'étaient pas violents ni belliqueux, ces hommes qui se sont cachés. Ils aimaient par-dessus tout leur famille qu'ils voulaient voir délivrée de la peur.
Ce qu'ils avaient de plus que ceux qui sont restés au grand jour, c'est peut être au-delà du courage, la volonté d'être homme, entièrement, sans concession.
Se tenir debout, entre le ciel et la terre, ne pouvait se conjuguer pour avec les bas instincts dont l'ennemi usait pour transformer un homme en collaborateur ou pour le rendre inoffensif.
Alors, tu viens ? s'étaient-ils entendu dire par un cousin ou par le charron, leur voisin. Le oui qu'ils avaient laissé monter du plus profond de leur être les avait rendus à eux-même. Ce moment du choix, ils ne l'oublieront jamais, ni au moment de descendre poser l'explosif sur la voie, ni dans l'embuscade dressée contre la patrouille ennemie, ni au moment de faire face au peloton.
Parce que ce oui était la seule façon pour eux d'être homme. Ce oui était un oui à la liberté, un oui à l'ouverture à l'autre, un oui à leur cœur large qui étouffait de ne pouvoir vivre sans craindre pour les siens, sans voir celui d'en face comme une menace.
Ce oui était un non à la défiance et au repli.
Que dire des femmes qui, on le sait, sont plus résistantes que les hommes et l'ont amplement prouvé dans ces temps troubles.
C'était en 1943. Où en sommes-nous 80 ans après, au moment du choix devant l'urne aux couleurs de l'Europe ?