La trahison des images
Au début était le réel.
Et le réel était ni beau, ni laid, ni tragique, ni fini.
Le réel était.
Puis l’image fut créée.
L’image et le réel se tenaient dans un jardin.
Ils n’étaient pas séparés jusqu’au jour où l’œil est venu les tenter
Détournant l’image du réel.
L’image se mit à vouloir plaire à l’œil
Qui l’encouragea.
Elle demanda au réel de se faire beau, laid, tragique, fini
Pour qu’elle puisse le représenter.
Au début elle était fidèle et s’attachait à en être un double presque parfait.
Et puis elle se lassa. A quoi bon reproduire ce qui est.
D’autant que le réel lui laissait entendre qu’elle était loin de le recouvrir,
Et qu’il n’avait plus envie de se voir tel qu’il était.
Alors elle eu recours à l’illusion.
Elle fit croire au réel qu’il était beau, juste beau.
Masquée la laideur, le tragique, la finitude.
Grâce à l’illusion, le réel devenait juste beau.
Tout était prétexte à détourner le réel du pouvoir de l’œil
Qui l’avait plongée dans cette voie sans issue.
Ils furent chassés du jardin, mais rien n’aurait pu l’arrêter dans sa folle entreprise.
Elle se mit à rendre beau tout ce qui était réel,
Depuis le feu jusqu’aux larmes, en passant par la guerre, les édifices, les excréments, les pipes et les toutous...
Ainsi était né l’art.